Blog 2025
Retour en Grèce au printemps
Le voyage s'est effectué à partir du 11 avril, en voiture et en ferry.
Route jusqu'à Ancona avec une étape à Parme. Puis vers  Igoumenitsa (GR) à bord du ferry.
Nuit dans un camping, ensuite route jusqu'à Athènes.
Enfin, ferry du port du Pirée jusqu'à Lakki (île de Léros dans le Péloponnèse).



1. Préparation du bateau, à sec puis à flot (3 mai)

Une quinzaine de jours à bord (à sec puis à flot, au port) suffisent à peine pour remplir notre cahier des charges. À part l'entretien d'usage des voiles et des moteurs (celui du bateau et celui de la génératrice), ainsi que les nettoyages intérieurs et extérieurs, nous avons procédé à quelques aménagements de confort et de sécurité : achat de deux matelas à mémoire de forme (les précédents avaient l'âge du bateau), installation d'une superbe machine à laver murale de 2,5 kg, fixée dans la salle de bains avant (et qui essore parfaitement), changement de notre pilote automatique ("Évolution 400"), modification de la table du carré. Le vent qui nous arrive par l'arrière au port ne nous a pas encore permis de monter la grand-voile.

Photos : à gauche, le pilote automatique, à droite, la machine à laver.
Du côté de la météo...
Sinon, après une période douce et estivale (pendant qu'il neigeait en Valais), la tendance s'est inversée sur toute l'étendue de la mer Égée où s'étalait une profonde dépression : froid, vent et pluie fin avril début mai, alors que l'été semblait régner partout en Europe occidentale ! 
Nous avons donc ressorti doudounes et cirés pendant trois jours...
Depuis hier 3 mai, le ciel a retrouvé les couleurs du drapeau grec et le baromètre n'a jamais été aussi haut...
Le départ en mer, repoussé par deux fois, peut être envisagé demain lundi 5 mai, alors que le vent viendra du sud.

Photos : en haut, "Gérard", notre géranium citronné se cachant des grosses gouttes de pluie, dessous à gauche, la table du carré évolutive et, enfin, une carte météo de la mer Égée surmontée de cette gigantesque dépression.
Vers les baies réservées aux militaires, avec les anciens asiles et autres bâtiments de sinistre réputation.
Les tresses reçues des voisins à l'occasion de Pâques. 
La tradition veut qu'on s'échange des œufs teints en rouge (couleur qui symbolise le sang du Christ)
Coucher du soleil dans la marina.
Réglage des amarres une fois à flot.

Particularités de Leros

Il faut du temps pour se laisser séduire par Leros. Son architecture n'a "rien de grec" pour qui recherche de petites maisons carrées passées à la chaux et des églises au toit bleu.
L'occupation italienne, durant la période mussolinienne, a laissé des traces architecturales tangibles qui mériteraient quelques ravalements de façades.
D'autre part, par sa position stratégique, l'île a été le théâtre de mouvements de troupes et de batailles intenses, et elle a abrité les prisonniers politiques et les malades psychiques. 
Aujourd'hui, les migrants sont réunis à Lepida (un quartier de Lakki) et se chiffrent à 3'400 (sur 8000 habitants de l'île). En compensation, un cadeau a été offert aux îliens : une TVA à 17% au lieu des 24% dans le reste de la Grèce.

Comble de malchance qui assoit la mauvaise réputation de cette île : "leros", en grec, signifie "saleté"... 
En réalité, il est fort probable que les hellénistes n’y pensent même pas, pas plus que nous ne songeons à l’homonyme du village de Sâles, en Gruyère, quand nous le traversons.

Voir notre page "Histoire" pour davantage de précisions.

2. Premiers mouillages : 
Agia Marina et à Blefoutis (île de Leros)

Mouillage à proximité du village emblématique d'Agia Marina (est), près du moulin qui figure sur toutes les cartes postales. Nous en avons l’exclusivité vu la météo maussade. 
Le village est sis au pied de l'imposant kastro de Pantelli, et il est très touristique, car c'est ici que les navettes du Dodécanèse embarquent ou débarquent les touristes entre Lipsi et Kalymnos, les deux plus proches destinations, au nord et au sud.

Bléfoutis (nord, proche de l'aéroport et du chantier naval Artémis)

Cette belle baie arrondie, bordée d'une plage frangée de tamaris, était relativement calme et nous a permis de laisser passer le vent du sud-est à l'abri. Ouverte sur le nord, elle est en revanche intenable par meltem. 
La seule taverna (« Artémis ») n’était ouverte que jusqu’à 19 heures et ne proposait que trois plats.

Ici, nous sommes à proximité de l’aéroport et d’un autre chantier naval, nommé lui aussi « Artémis ».
En effet, Leros est aussi appelée « l’île d’Artémis », : on a découvert à proximité les ruines d’un temple qui était dédié à cette déesse.

3. Le charme des petites îles du nord du Dodécanèse : 
Lipsi, Mathari et Arki

Il y a dix jours, nous avons enfin quitté l’île de Leros (ΛΕΡΟΣ) où nous venions de passer un mois. Nous avons gagné de petites îles au nord de celles-ci : Lipsi, Mathari et Arki, toutes connues pour être des bijoux.

Ce sont des îles que les navettes et les bateaux d’excursion proposent souvent aux visiteurs au départ de Patmos (ΠΑΤΜΟΣ) ou de Samos (hors carte), ces dernières étant desservies par les gros ferries venus de la capitale ou pourvues d’un aéroport. C’est dire si on n’accède pas directement à ces confetti égéens. L’été, nous nous imaginons sans peine que les quais, les petites places, les plages, les ruelles, les boutiques, les tavernas typiques et les bars doivent être envahis de touristes, certains venus de la Turquie voisine, sans toutefois que les villages de charme frisent l’asphyxie que connaissent Santorin, Mykonos ou Paros…

À mi-mai d’un printemps qui porte décidément mal son nom, et par un frisquet vent du nord-ouest, seuls les voileux et quelques excursionnistes foulent ces terres. Quant aux plages près desquelles nous mouillons, elles ne sont fréquentées que par quelques « givrés » isolés dont les cris aigus confirment la piqûre de l’eau : elle atteint à peine 18 degrés. 
En débarquant sur la plage de Lientou à Lipsi (ΛΕΙΨΟΙ) pour promener Skye, faire des courses ou aller au restaurant, nous devons nous-mêmes nous mouiller jusqu’aux genoux (selon la hauteur des vagues qui essuient le rivage), et la sensation est très moyennement agréable, surtout à 23h00 au retour de la dernière promenade, frontale à poste nous guidant tout juste sur les eaux noires avec le brumisateur des embruns en prime…

Lipsi

Des îles que nous foulons cette semaine, Lipsi ou Leipsoi (en grec moderne Λειψοί), est avec ses 17 km2 la plus étendue et la plus peuplée d’un archipel miniature au nord-est de Patmos. 
Cette petite île est tout de même ceinte de 31 îlots et rochers. Pour que vous la situiez (voir la carte ci-dessus), Lipsi est au nord de Leros, notre port d’attache provisoire, au sud de Samos et en face de Didim, en Turquie. 

Lipsi a vécu pendant longtemps d’agriculture et de pêche avant de s’ouvrir au tourisme. Mais les tavernas n’y cèdent pas à la mode de la cuisine en vogue dans les stations balnéaires et continuent de proposer poissons grillés et nourriture grecque traditionnelle, arrosée (ou non) d’ouzo (nous apprécions), de vin raisiné (nous n’avons pas aimé) ou de vin sec local (l’« Αγερικό », pas mal du tout !)
Les traditions et la ferveur orthodoxes restent vives : du restaurant le plus fameux et le plus récompensé de l’île, « Manoli’s Tastes », nous avons compté rien moins que seize chapelles sur 180°. 
Juchés sur un minuscule balcon privatif de la villa historique, nous avons notamment goûté à un poulpe succulent, que le chef « himself » est venu flamber. 
Le lendemain, on nous y a proposé de la langouste accompagnée d’orzo : pas question d’y résister ! 

Mathari

Après 48 heures passées à Lipsi, cap sur Mathari, un îlot de 355 m2 habité seulement par deux familles qui exploitent en saison les trois tavernas de la plage.
Ces établissements étaient encore tous fermés mais bruissaient d’activité : des étudiantes maniaient à qui mieux mieux le pinceau pour rafraîchir pontons, chaises et tables. 
Seuls dans la baie, nous avons investi la plage pour les balades et entrepris de grimper au sommet de la colline pour rejoindre la chapelle et le village en ruine. Quelle expédition ! Il a fallu évoluer péniblement à travers les hautes herbes et les chardons pour longer les haies, ouvrir puis refermer derrière nous les barrières des enclos à chèvres, sauter de roche en roche en portant miss Skye : la chienne à petites pattes se noyait dans la végétation, ses longs poils blancs scotchés par les « pedzons » comme des bandes Velcro… 

Au sommet de la colline, des surprises : des chèvres un peu étonnées d’être repérées, une vue à 360°, vertigineuse, au-dessus des falaises battues par les flots, un vent hurlant à travers les roches et une chapelle au dôme bleu, abandonnée derrière des fils de fer barbelés… 
Du côté de la plage, Dune se balançait presque calmement au-dessus des taches turquoise du sable sous-marin… 

















Photo ci-contre : en Grèce, tout est peint en blanc ou en bleu, même les arbres !
En rentrant, Skye en a été quitte pour une longue séance de démêlage et d’extraction d’une centaine de ces boulettes piquantes. 
Nous a alors rejoints sur la plage la navette qui alimente ces petites îles du nord du Dodécanèse : elle a manœuvré rapidement, s’est amarrée au ponton et a livré…, en tout et pour tout, deux bidons de 10 litres de peinture blanche…

Porto Augusta, sur l'île d'Arki

À un mille plus loin à peine, en face de cet îlot désolé, nous avons gagné Port Augusta sur Arki. 44 habitants (45 selon une autre source, une naissance ou un décès plus tôt ou plus tard…), et autant de chats ! 

Au bout d’un étroit goulet dont les fonds remontent vite de chaque côté (il ne reste guère, à certains endroits, que cinq mètres navigables au milieu), se niche un petit village qui semble figé dans le temps. 
À côté du port des pêcheurs, il n’y de place pour guère plus de 8 ou 6 bateaux. Et nous en avons trouvé une, l'avant-dernière, ce qui est un vrai privilège ! Évidemment, ni eau ni électricité à quai. Ce n'est pas un problème pour nous vu que nous sommes autonomes. Si nous l'avions pu, nous serions restés toute une semaine dans cet endroit qui semble avoir le charme de la Grèce d'il y a quarante ans !

La manœuvre d’approche est cependant un peu délicate avec le vent à 20 noeuds qui arrive par tribord : il faut reculer assez vite en remontant un peu du côté du vent (qui poussera le bateau vers bâbord, inévitablement !), pendant que Pierre-Yves laisse filer l’ancre. Celle-ci se déroule si vite que le bruit du guindeau s’arrête : on est arrivés au câblot, ce qui veut dire que nos 90 mètres de chaîne ont été déployés… En attendant de reprendre la chaîne, il ira tendre nos amarres aux gentils voisins de bâbord dont je n’ai pas touché ni éraflé la coque (fort heureusement !). 
Je sais bien pourquoi ils viennent avec empressement quand ils remarquent que c’est une femme qui est au gouvernail : sans leur faire un procès d’intention, ce n’est pas uniquement pour rendre service…
Taverna "O Tripas" et branche de thym

Le soir, nous avons été accueillis dans la seule taverna ouverte, où nous avons excellemment mangé pour un prix sans concurrence : un ceviche de poisson local "à queue noire", des boulettes de courgettes au fromage, un souvlaki de poulet et deux petites dorades sauvages servies avec des frites maison, le tout accompagné de pain, d’eau et d’un demi-litre de vin local : 39 euros. Petit dessert offert, comme c’est la coutume en Grèce au moment où le client réclame « to logariasmo, parakalo ».
En chemin, nous avons croisé et salué un vieux monsieur qui venait à notre rencontre d'un pas alerte : spontanément, il m'a offert une branche de thym fraîchement cueilli. Quelle gentillesse !
Balade à vélo vers les plages de Glipapa et de Tiganakia

Le lendemain, nous partons en expédition au sud de l’île, à vélo, Skye « casée » dans le sac à dos que nous utilisons durant les transports en bus ou en avion et qu’elle n’apprécie pas trop. Comme elle est un peu flemme, elle jouit pourtant du paysage sans fatigue. 
Très vite, la route de goudron se termine, et les VTT remplissent leur office sur un chemin en terre battue. Plus loin, nous nous dirigeons vers une mignonne plage que nous avons repérée sur la carte et qui est signalée par un panneau d’où pendent deux poêles à frire.
Un mouillage de rêve qui se mérite...

Le mouillage attenant de Tiganakia, prétendument à l’abri, ne l’est pas du tout aujourd’hui. Cela confirme que les estimations de notre application de mouillage (« Navily ») ne sont pas à prendre au pied de la lettre. 
En revanche, cette crique entourée d’îlots évoque vraiment les Maldives : en été par temps calme, ce mouillage doit être privilégié avec son sable blond et ses eaux aux cinquante nuances de turquoise ! 

Mais pour y accéder par voie de terre, c’est tout autre chose : il n’y a désormais devant nous plus qu’une étroite piste pour piétons, ponctuée de roches pointues. Marcher à côté du vélo est impossible car on en déborde et l’on se fait largement griffer mollets et cuisses. Nous posons les vélos et Skye ; à terre, elle rencontre les mêmes problèmes que la veille. Bientôt, il faut la porter, et au retour, lui imposer une nouvelle séance de démêlage et de semi-épilation...
Plus tard, nous partons vers le port des navettes du Dodécanèse, au début du goulet de l’entrée. Skye court à côté des vélos et s’éclate sur la chaussée, et cela sans danger : il y a une seule camionnette sur l’île, ainsi que des scooters et des voiturettes électriques. Très vite, nous aurons ainsi parcouru avec nos vélos l’intégralité des routes de l’île d’Arki, soit 3,5 km, en long, en large, et en travers !!

P.S. De toute évidence, le camion des pompiers de Port Augusta vient d'Allemagne : vive la coopération européenne !
P.S. 2  Le maître d'école (car il y a même une école à Arki !) n'a qu'un seul élève...


Nous voici donc en route lors de ce printemps 2025, mais je ne passerai pas sous silence les petits ennuis techniques, électriques, mécaniques, etc., auquel tout plaisancier est exposé : en mer, le matériel est mis à rude épreuve et, parfois, la sortie d'hivernage réserve quelques mauvaises surprises. 
Voir ce qui s'est passé à la page Vie à bord.
.

4. Village d'Emborios, sur l'île de Kalymnos 
(18 mai)

Ce joli village au pied des falaises renommées de Kalymnos s’ouvre sur une baie orientée au sud, protégée par l'îlot de Kalavros. 
Jusqu’à l’an dernier, elle était pourvue de bouées installées par la taverna Captain Kostas. Il n’y en a plus une seule cette année. 
On a donc mouillé notre ancre, en visant bien pour tomber sur une belle portion de sable dans laquelle elle s’est plantée sûrement. 
Des Italiens à bord d’un bateau de location n’ont pas pris cette précaution : à petite vitesse mais sans ralentir, ils ont laisser filer l’ancre un peu au hasard, jusqu’à ce qu'elle bloque le voilier (ouille les dommages au guindeau !). 
Au moment de relever l’ancre, ils ont été bien marris : ils étaient accrochés et bien accrochés, puisqu'elle s’était prise dans un coffre d’une ancienne bouée. Ils ont dû faire appel à des plongeurs pour se délivrer.

La température commence à monter, le vent est tombé, mais la mer n'affiche encore que 18°. D'où nous nous trouvons, nous voyons passer, quatre fois par jour le pêcheur local qui approvisionne la taverna. Aujourd'hui, on y servait une délicieuse moussaka aux fruits de mer.

Emborios ouest, un superbe mouillage isolé
A quelque distance d’Emborios, nous mouillons dans une étroite baie bien abritée. Nous y sommes seuls une bonne partie de la journée. Les taches de sable sont rares parmi la posidonie, mais nous avons trouvé l’ancrage idéal (photo de notre ancre avec l'orin orange).
L’excursion autour de la presqu’île n'offre rien à voir à part sa vue rare, l’antenne de Cosmote Communications, des chèvres et, surtout, le bijou qu’est la chapelle de saint Séraphin de Sarov (un hiéromoine russe très vénéré), dans laquelle le gardien nous laisse entrer. L'officiant n’y vient que deux fois par an, notamment le 19 juillet, jour de la fête du saint, où le rejoignent maints fidèles. 

La route s'arrête parfois et il faut progresser parmi les buissons, les rocs et les chardons : c'est vraiment le royaume des chèvres !

La chapelle dédiée à saint Séraphin, en contrebas du chemin. 
À droite, l'intérieur de l'édifice, orné de belles icônes.
Derrière moi, les hautes falaises de l’île de Téléndos où nous nous rendrons très bientôt.

5. L'îlot de Telendos, une monumentale pyramide de rocher hyper photogénique (22 mai)

En face de Myrties et Masouri, à moins d'un kilomètre de la côte ouest de Kalymnos, se trouve le gigantesque rocher de Telendos surnommé « Princesse endormie ». Toute la montagne a une forme conique avec le « Rachi » comme plus haut sommet (458 m.).
Au soleil couchant, devant le cône de rocher, voici les ruines de la basilique de saint Basile (Ayios Vassilios) datant de la première moitié du VIe siècle.
Le petit port de pêche de Telendos, près duquel nous sommes ancrés.

Un séisme dévastateur : naissance d'un îlot 

En 534 après J.-C., un terrible tremblement de terre qui a été décrit par l'historien Agathias comme « plutonien » (Pluton ou Hades = Dieu des Enfers), a arraché de Kalymnos un morceau de terre qui a sombré au fond de la mer, noyant ainsi la capitale Pothaia, alors construite à la pointe entre Myrties, Masouri est Armeos.
À cet endroit se trouvait la plus grande colonie de l'ile, laquelle a été coulée pendant le séisme. Depuis lors, un bras de mer a séparé la côte du rocher de Telendos.
Les nombreuses ruines qui ont été découvertes au fond de la mer entre Myrties et Telendos confirment que Pothaia, l'ancienne capitale, était bien située à cet endroit, tandis que la capitale actuelle de Kalymnos, nommée Pothia, est située près du port de l'île, au sud.
La partie qui n'a pas été ensevelie, à l'opposé de ces zones, forma l'ile de Telendos. Elle constitua plus tard un royaume distinct qui s’appelait à cette époque Kéléris. Aujourd'hui ne subsiste qu'un petit village du nom de Potha, près duquel nous nous sommes ancrés.
Le canal qui sépare les deux îles a une largeur de 750 mètres. Le transport est fréquent (toutes les 10 minutes) avec de petits bateaux (caiques). 
Il y a un peuplement d’une cinquantaine d’habitants sur ces 4.7 km2. On y trouve, comme partout en Grèce, beaucoup de chapelles, deux plages et une forêt de pins.

Les monuments en ruines de l'île de Telendos (bains, temples, maisons et tombes) appartiennent à la période romaine tardive et à la période paléochrétienne et byzantine.

Derrière la forêt de pins, au-delà du port, des nécropoles paléo-chrétiennes de l'époque byzantine s’échelonnent en enfilade. Leur arc roman, avec la clé de voûte bien distincte, est encore intact. L’ensemble est considéré comme l’un des sites les plus importants du complexe des îles du Dodécanèse.

Partout on entend le doux murmure des abeilles butinant le thym ou les chardons.

Sur le côté ouest de l'île se trouvent les ruines d'un château byzantin.

Dans l'Antiquité, Telendos était un centre chrétien important, comme en témoignent les restes de plusieurs basiliques paléo-chrétiennes : Saint-Basile (1ère moitié du Vle siècle apr. J.-C., voir photo ci-dessus), la basilique des Kimisis de Theotokos, celles de Panagia et d'Agia Triada (Sainte-Trinité) (6e siècle).

De retour au village, nous nous restaurons à la taverna "To Kapsouli"  (Το καψούλι) où le patron, Michalis (Μιχάλης), se montre d'une générosité et d'un humour tels qu'ils ont rendu cet accueil inoubliable.
Nous avons rejoint l’étonnante chapelle Saint-Georges, accrochée à la falaise comme un bernard-l'ermite à son rocher. 
Quand on en remonte l’escalier, on a l’impression de pouvoir toucher le ciel…

6. Pothia (port Kalymnos) (24 mai)

Après une certaine solitude, les exigences de l'avitaillement et de la protection des orages (sur Kos principalement) nous amènent à prendre une place au port de la ville principale de Kalymnos, Pothia.

(Ci-dessus : Pothia et son port depuis Agia Savvos. À droite, le monastère d'Agia Savvos.)


C'est aussi l'occasion de (re)nouer différents contacts avec des compatriotes (4 bateaux suisses au ponton, pas mal pour une petite nation sans débouché maritime) ou des Français déjà croisés dans d'autres eaux, ou simplement de faire connaissance avec des navigateurs sympathiques. 
Nous apprécions beaucoup ces partages sur "Radio Ponton", souvent autour d'un verre ou deux d'ouzo...

"Radio Ponton"

Avec  des Frères de la Côte, avec Gilles (photo de gauche), puis avec Christine, mais aussi des discussions nourries (et parfois arrosées) avec Charly, Roger le Biennois et Michel le Belge...

Voir le passionnant blog de Gilles, qui navigue en solo sur un Kelt-39, "Ponyo".

Ou bien visites bord à bord

Petites visites d'un bateau à l'autre, ici au mouillage, chez nos amis Corinne et Patrick de PACO, que connaît aussi Michel le Belge (l'Égée est petite...)
...valeureux Normands, navigateurs et mécaniciens émérites, qui adorent Skye (laquelle le leur rend bien) !

7. Pirates et papillon : 
l'île d'Astipaléa 
(29 mai)

La Chora d’Astypalea est l’une des plus jolies qu’il nous ait été donné de voir. Sise au creux d’un vallon, elle est dominée par une forteresse vénitienne autour de laquelle dégoulinent les maisons blanches coiffées de huit moulins à vent. Le village remonte en pente douce sur la colline en face, enserrant comme dans un écrin la minuscule plage et le petit port de Pera Gialos.
L’île est la plus à l’ouest du groupe d’îles du Dodécanèse et son architecture est clairement cycladique (maisons carrées blanches, forteresse au sommet d’une colline, moulins à vent…). Elle est parfaitement reconnaissable sur les cartes par sa forme en papillon. En son centre, un isthme de guère plus de cent mètres sépare les deux « ailes » : l’une plus aride et montagneuse que l’autre. 
Du sud de Kos (Kefalos), nous l'avons atteinte au bout d'une longue navigation de 33.33 milles, moitié à la voile moitié au moteur, vent dans le nez.

Va pour l'explication du Papillon du titre. Mais alors, ces pirates ? Minute, Papillon, j'y arrive !

Maltézana, Analipsis

Occupée (comme les autres îles du Dodécanèse) par les Italiens en 1923, Astipaléa en a cependant conservé très peu de traces dans son architecture (au contraire de Léros, comme je l’ai mentionné ailleurs). Tout au plus garde-t-elle en « souvenir » quelques toponymes comme Analipsi, l’autre nom du village de Maltézana où nous mouillons, le nom grec ayant de toute évidence été donné par les pirates maltais qui utilisaient les multiples criques cachées de l’île comme repères pendant la période bizantine.

À l'abordage !

Les pirates, nous en entendons encore parler en découvrant, tout au bout de l’anse de Schinoudas où nous avons fait halte, une stèle commémorative d’un combat naval qui s’y déroula il y a bientôt deux cents ans, à l’époque des affrontements lors de l’indépendance de la Grèce. 
Dans cette bataille se sont illustrés des marins français, l’enseigne de vaisseau Hippolyte Bisson (1796-1827) et son second Yves Trémintin (1778-1862), à bord du brick « Panayoti ». 
Pour éviter de tomber aux mains des pirates dix fois supérieurs en nombre, Bisson, après avoir encouragé ses hommes à s’enfuir à la nage vers le rivage tout proche, saborda leur navire en le faisant sauter. 
Il y laissa sa vie, mais Trémintin , blessé, survécut, et il rentra en France, où il mourut fort âgé.
Je n’ai jamais été attirée par les lieux de batailles. Pourtant, en naviguant en Grèce, je m’aperçois qu’il y a bien peu d’endroits qui ne sont pas marqués par des affrontements, qu’ils aient eu lieu durant l’Antiquité, le Moyen-Âge, l’indépendance grecque ou plus récemment la seconde guerre mondiale (comme la bataille de Leros en 1943).

Si les miroitements cristallins des eaux égéennes invitent à l’insouciance de la baignade et aux joies de la navigation, ils recèlent aussi sous la surface ultramarine mille mystères sombres, mille combats à mort, mille tragédies.

Les plis du relief sous-marin ont accueilli et accueillent encore un nombre incalculable d’épaves de bois ou d’acier, de corps de malheureux asphyxiés laissés à l’appétit des poissons… 

Et dire que la surface bleue où nous mouillons aujourd'hui fut un jour envahie de flammes et de cendres, habitée d’explosions et de cris furieux, toute retentissante des coups portés et reçus.
Les fonds aux abords de certaines îles y sont organiques : se sont dissous dans la vase bois et os, formant un amalgame d’où renaît la vie.
Toute mer est un cimetière, et pourtant la vie terrestre a jailli de ses eaux fécondes le jour où un mammifère marin a posé sur un îlot une nageoire devenue un pied. 
La mer, à la vie comme à la mort : tout en est issu et tout y retourne.



Les îles de Tilos, de Chalki et d'Alimia, les petites sœurs de Rhodes

8. Tilos (6 juin)

De Livadia à Livadia

Nous avons quitté Livadia pour Livadia sans tourner en rond : les noms des villages des îles grecques (Hora, Chorio, Livadia…) manquent tellement d’originalité que nous avons pu mouiller notre ancre dans des toponymes homonymes situés sur des îles éloignées d’une centaine de kilomètres : d’Astypalia à Tilos, une des têtes de pont de Rhodes.
Le village de Livadia (à Tilos, donc, nom grec, Τιλος) étire tranquillement son rivage depuis le petit port, au pied des montagnes qui abritent la baie. En regardant vers l’Est, la silhouette des montagnes de Turquie semble s’élever hors des eaux de la mer Egée et l’île de Symi est visible d’ici.
Le château d’Agriosykia émerge du sommet rocheux de la montagne pour jeter un regard vigilant sur Livadia comme il l’a fait infailliblement pendant les six cents dernières années. L’architecture italienne gracieusement sculptée du bâtiment du poste de police de Tilos, dans le port, rappelle la domination italienne sur l’île de 1912 à 1948. La longue plage de Livadia et l’eau chaude, cristalline, attirent les visiteurs. Cette plage de gros galets est bordée d’une allée pavée et ombragée fort agréable, où s’échelonnent bars, tavernas et guest houses les pieds dans l’eau. 
À noter que c’est l’un des seuls chefs-lieux praticables par des poussettes, des fauteuils d’handicapés, des déambulateurs ou de petits véhicules électriques. Mais il faut bien avouer qu’on y rencontre infiniment plus de chefs blanchis et de cannes que de téteurs de biberons… Ce n’est pas une île où faire la fête et, après Kastellorizo à l’extrémité orientale de la Grèce, Tilos est probablement l’île la plus isolée de l’archipel : cette situation est le gage d’une certaine paix.

Cimetière d’éléphants
Emmenés par le bus électrique qui parcourt le centre et le nord de l’île, nous nous stoppons à Mégalo Chorio, le chef-lieu de Tilos. Il est construit au pied d’une colline rocailleuse au sommet duquel se trouve un château en ruines. À l’avance vaincus par la chaleur accablante, nous avons renoncé à en entreprendre l’ascension.
Le village est dans son jus, alternant maisons réhabilitées et ruines en attente de l’être. S’en suit l’impression de traverser un patchwork ponctué des 200 d’églises et chapelles de cette île de 63 km2 seulement.
Dans les quelques boutiques du lieu, on trouve passablement de T-shirts ou de colifichets arborant des éléphants : cette curiosité s’explique depuis la découverte, dans la grotte de Harkadiou, d’ossements de trente éléphants nains datant probablement de six millions d’années.
À une certaine époque, Tilos était reliée à la côte turque se trouvant en face et faisait partie, avec les Cyclades, d’Égéide, le continent qui unissait la Grèce et l’Asie Mineure. Lorsque l’île se détacha, les éléphants piégés durent s’adapter à leur nouvel environnement et devinrent peu à peu des éléphants nains dont la taille évoluait entre 1,20 et 1,60m au garrot. L’animal est donc devenu le symbole de l’île.
Un musée recueille ces ossements d’éléphants nains. Il était (bien sûr) fermé le jour où nous aurions désiré le visiter…

Ci-contre : une ruelle de Mégalopole Chorio

Livraison à domicile style grec

Il est rare de pouvoir illustrer une anecdote par des photos (et celles-ci se chargent tellement paresseusement sur ce blog !), mais cette fois-ci, j’en ai deux, de qualité médiocre puisque prises à la sauvette.
L’unique ligne du bus électrique nous a permis de parcourir tout le nord de l’île jusqu’à la plage Plaka. Cela donne lieu à des conduites parfois amusantes.
À une intersection, le chauffeur a klaxonné et un homme assez déguenillé a surgi : ils se sont brièvement parlé. Plus loin, au début de la baie d’Agios Antonios, le bus s’est arrêté près d’une rôtisserie et a klaxonné une nouvelle fois. Le cuisinier est apparu, pendant que d’appétissantes effluves de viandes grillée et d’huile fondue effleuraient nos narines, provenant du gril installé à l'extérieur. Tout le monde a pensé que le chauffeur prenait commande pour son lunch...
Au terminus au bout de la baie, nous avons fait demi-tour et, en arrivant à nouveau près de la taverna, cela n’a pas manqué : le cuistot a pénétré dans le bus et a remis un paquet au chauffeur. Tous les passagers ont souri et pensé l’épisode terminé. 
Eh non : au carrefour, après un ultime appel au klaxon, l’homme débraillé est venu réceptionner son repas des mains du chauffeur-livreur : c’est l’ « Uber-Eats » grec !

Blatten et les westies

Parfois se produisent de curieuses rencontres.
Nous attendons le bus du retour à Livadia attablés à une table de la seule terrasse de Mégalo Chorio, et nous engageons la conversation avec un Anglais de 80 ans environ, qui redescend de la forteresse (bravo !). Apprenant notre nationalité, il nous avoue son chagrin sincère pour le village de Blatten dont il fréquentait l’hôtel depuis vingt ans et qui vient d'être détruit.
En nous quittant à Livadia, il nous fait une invitation un peu surprenante : les rejoindre le soir même, lui et deux couples d’amis, pour l’apéritif : ils ont, ou ont eu, des westies comme animal de compagnie. Nous pourrons donc échanger. 
Nous n'ignorons pas que des groupes d'amateurs de West Highland White Terriers ("westies", la race de notre chien) sont très populaires en Angleterre : il n'y a qu'à observer ce cliché du "London westies walk"... autant de boules blanches..., ça donne le tournis ! Chaque propriétaire doit penser : "Where is mine ?").
Un peu désarçonnés par l’idée de devoir faire conversation à six Anglais, nous acceptons toutefois le défi (et profitons du séjour linguistique…) 
Ainsi, le soir, Skye fut la star incontestée d’une tablée de British sympathiques, qui ont fait l’effort de bien ar-ti-cu-ler ! Année après année, ils reviennent tous passer des vacances à Tilos (quand j’évoquais les têtes blanches…)…Pfuiiii, nous aussi !

À Tilos, nous retrouvons Gilles, le navigateur solitaire du voilier Ponyo rencontré au port de Kalymnos, et nous partageons avec lui apéritif et repas (je rappelle que j'ai inséré ci-dessus l'adresse de son site dont je vous conseille vivement la lecture : il comporte, lui, beaucoup de photos...: sans doute Gilles galère-t-il un peu moins que moi pour les y introduire... En outre, j'adore son style de commentaires).
La mer Égée n’est pas si grande et nous serons sans doute appelés à nous revoir encore !

9. Chalki (9 juin)

Chalki est l’une des plus petites îles du Dodécanèse, mais elle a beaucoup de charme.
Située à 6 km à l’ouest de Rhodes, c’est une île semi-montagneuse et aride avec une côte escarpée qui cache quelques jolies criques dont celle de Pontomos avec une belle plage de sable clair où nous avons mouillé durant deux nuits, l’une calme, calme… et sans aucun moustique, et la seconde affreuse : nous avons roulé toute la nuit.

L’origine du nom de l’île
Chalki ou Halki (en grec Χάλκη) doit son nom soit aux mines et ateliers de transformation du cuivre qui existaient sur l’île durant l’Antiquité, soit du mot phénicien « karki » ou « kalchi », qui signifie « violet », la couleur du coquillage qui était abondant sur les côtes de l’île à cette époque et qui était commercialisé par les Phéniciens. »

Nimborios, le chef-lieu, enserre sa baie dans un demi-cercle presque parfait. Les maisons, dont la moitié attendent d’être réhabilitées, y sont colorées comme à Symi : ce sont des cubes à un étage sur rez, avec un fronton triangulaire et un toit à quatre pans. L’atmosphère y est bien plus calme, et on prend plaisir à flâner dans des ruelles pavées, rarement traversées par des deux-roues. 
Dans les trouées entre les maisons, le regard s’échappe parfois par une trouée sur une belle terrasse avec accès direct à la mer par une échelle de bain. Quel privilège ! Quelques guesthouses offrent cette configuration. Il y en aura sans doute beaucoup d’autres ces prochaines années, quand les habitations en ruine seront reconstruites.
Le clocher de l’église est incontournable : bien proportionné avec ses trois étages, c’est le plus élevé du Dodécanèse.


10. Alimia la sauvage  (11 juin)

Cette pépite n’est pas restée confidentielle. Elle a fait parler d’elle en 2014 quand le prince Charles (pas encore roi), accompagné de son épouse Camilla, passa trois nuits dans cette baie à bord de son yacht.
Désormais, ce sont les armadas de charters qui y défilent dès midi jusqu’en début de soirée. Nous avons connu un bref moment, entre 10 heures et midi, où nous étions seuls (avec le voilier "Ponyo" de l’ami Gilles que nous avons retrouvé) sur la plage de gros galets au fond de la baie.
Exposée à l’ouest, celle-ci présente une dépression remplie d’eau saumâtre, et elle accueille tout ce que rejette la mer durant l’hiver : les bois flottés, certes, mais également quelques déchets non recyclables. On a toutefois l’impression que l’endroit a été nettoyé de la majorité des plastiques, car je n’y ai vu aucune bouteille en PET. 

Il n’y a aucun village, donc pas de taverna, juste un monastère réhabilité par un couple, une chapelle (ouverte, c’est rare !) pleine d’icônes dédiées à saint Georges, des chèvres, des moutons et des baraquements militaires en ruine. Car l’île a un passé.
Elle a servi de base durant la Seconde de guerre mondiale. On dit qu’elle y dissimulait des sous-marins. À voir la configuration des lieux, c’est probable.

Un fort à moitié écroulé domine la baie principale. Nous y sommes montés par un chemin à chèvres alternant blocs et murets de pierres avec buissons de thym en fleur et arbustes nains. Pas d’ombre. Nous avons renoncé à mi-parcours après une demi-heure d’ascension : Skye était épuisée et paralysée (à nouveau !) par les épines et les boules piquantes collées à sa robe désormais épaisse et plus très blanche. 
De son côté, Gilles a persévéré et a failli se rompre les os dans les ruines branlantes. Bien évidemment, de là-haut, la vue était à couper le souffle (nous a-t-il raconté) : Rhodes, Chalki et, de l’autre côté, Symi. En cadrant habilement avec des branchages en premier plan, la photo pouvait occulter l’énORMe catamaran de 65 pieds ; ainsi « Dune » et « Ponyo », valeureux monocoques, semblaient se partager la belle baie.

Mais, vers midi, accompagnées - c’était notre musique mentale - de l’assaut conquérant de la chevauchée des Walkyries de Wagner, les flottilles de catas de location ont conquis tout l’espace marin, à sec de voiles, leurs deux moteurs lancés à fond déchirant le lapis-lazuli, et les chairs blanches en grappes, d’ambre solaire enduites et luisantes, offertes à l’astre dardant ses rayons ardents à son mitant, de s'étaler en crapaudine sur de gros coussins gris de quinze centimètres d’épaisseur. C’en est fini de la paix : on n’entendrait désormais plus bêler chèvres et moutons jusqu’à la nuit.

(Ci-dessous : Skye à gauche et les ruines de la citadelle à droite lors de notre montée interrompue)
Traversée vers l'ile de Rhodes

11. Navigation vers Lindos (sud de l'île de Rhodes), 
13 juin

En prévision du coup de vent du week-end, nous quittons Alimia pour rejoindre Rhodes : nous contournons la grande île par l'ouest pour aller jusqu'à un mouillage sûr, situé plus ou moins à la moitié sud de l'île, Lindos. Il fait cependant avouer que cette partie de l’île est fort pauvre en mouillages, donc nous n’avons pas de choix et devons effectuer une longue étape.

Une fois de plus (depuis notre mouillage de Kos), notre guindeau ne fonctionne pas, alors que les batteries sont à une charge normale. Pierre-Yves remonte les quarante mètres de chaîne par portions de 3-4 mètres à l'aide d'un cordage passé dans le winch au pied du mât. L'opération est assez longue, car il faut, une fois que la chaîne a atteint le winch, assurer ce qui a été sorti avant de recommencer l'opération. Cependant, c'est toujours mieux que de tout tirer avec les bras et de se détruire le dos.

En traversant vers la côte nord de Rhodes, nous avons (trop brièvement) croisé un gros dauphin. Cela faisait bien un an que nous n’en avions plus revu : la mer Égée devient trop pauvre en poissons pour attirer ces toujours charmants mammifères…

Une navigation de 50 milles bien musclée, avec la grand-voile et le génois, puis en réduisant la grand-voile et en sortant la trinquette. 30 noeuds de façon à peu près constante, avec des rafales à 37. Même à proximité de Lindos, une belle baie bien protégée par des rochers, nous avions encore 20 noeuds... 
Au passage ouest du cap Prasonisi, là où la mer Égée rencontre la Méditerranée, nous avons eu de belles et grosses vagues. Plus loin, face à un replat, la mer était au contraire toute lisse : là s'éclataient les kite-surfs.

Lindos, sa baie, son acropole, son village

La baie de Lindos est un abri naturel de toute beauté surmonté d’une forteresse imposante bâtie sur le rocher par les Chevaliers de l’Ordre de St-Jean sur l’emplacement de temples antiques doriens, notamment celui d'Athéna.

C'est aussi une station balnéaire peuplée : mouillés au centre de la baie, nous étions entourés de jet-skis, de gros yachts, de canots à moteur, de pédalos et autres engins de plage : le moindre cm2 de sable blond  y est occupé par des chaises-longues louées à prix fort. 

C'est simple : nous n'avons jamais trouvé un endroit correct pour laisser notre annexe. Il a fallu à chaque fois la glisser et l'amarrer sous le ponton des bateaux d'excursion (celui à fond de verre, et ceux dont le nom annonce ce qui va être servi à bord : "Mojito" et "Aperol Spritz"), embarcations qui occupaient tout l'espace. Nous avons donc dû nous extraire de l'annexe pour nous hisser sur le ponton à 1,20 mètre au-dessus du niveau de l'eau en escaladant les rochers sur lesquels il était fixé. Pas facile à faire quand on transporte des packs d'eau, des sacs de courses, un chien, des poubelles, ou quand on porte une robe..., surtout à la lueur d'une lampe frontale.
Bon : rien ni personne n'est tombé à l'eau, et les dessous obscurs du ponton ne semblaient pas habités de bestioles peu sympathiques, adeptes de chaleur et d'humidité. En tout cas, s'il y en avait, elles se sont montrées discrètes.

De cet endroit, on entame une longue montée vers un ravissant village blanc comme dans les Cyclades, et agréablement fleuri de bougainvillées et de lauriers-roses.

Le "Broccolino"

Coup de cœur pour ce restaurant italien niché dans une petite cour ombragée et pavée de galets gris et blancs, typiques de l'endroit. 
Le patron, très sympathique, est florentin, sa compagne, fort prolixe et polyglotte, grisonne. 


Nous y sommes accueillis avec chaleur : chaque plat est servi avec une jolie présentation  et les goûts évoquent agréablement la Toscane.
Le lendemain, quand le patron nous voit passer devant son restaurant, il nous lance joyeusement un jovial "Ciao belli !"
L'Acropole de Lindos
L'ensemble de l'Acropole a été aménagée au VIe s. av. J.-C. sous le règne de Cléobule, l'un des Sept Sages de la Grèce antique. Elle trône sur la colline haute de 116 mètres que l'on atteint par un sentier pentu. À cette altitude, le vent décoiffe. Gare un chapeaux et aux casquettes !
Les remparts érigés par les chevaliers de Saint-Jean ont remplacé les fortifications originelles du VIe siècle av. J.-C. 
L'enceinte sert d'écrin à de remarquables ruines antiques, dont le temple d'Athéna Lindia et une stoa hellénistique composée de vingt colonnes doriques, qui tranchent par leur blancheur sur le bleu du ciel et le panorama côtier de toute beauté (photo de gauche). Le site est magnifique certes, mais l'entrée à 20€ est prohibitive, d'autant plus que les explications sur place sont chiches. Et si l'on désire un plan du site, il faut le réclamer.

Ci-contre : la minuscule baie St-Paul où nous aurions aimé mouiller (mais ce n'est plus autorisé) : elle s'abrite en contre-bas du rocher monumental de l'Acropole.
C'est le lieu où saint Paul aurait débarqué en 57 apr. J.-C.

12. La vieille ville de Rhodes

Que dire sur Rhodes qui n'a pas déjà été dit ?
La ville médiévale est l'une des mieux conservées en Europe, et elle doit son originalité aux fortifications édifiées à la fin du XIIe siècle par les Chevaliers de St-Jean après les Croisades. 

L'Avenue des Chevaliers et le Palais du Grand Maître en sont les manifestations les plus spectaculaires, même si leur apparence doit beaucoup aux Italiens présents dans l'île, comme dans toutes les îles du Dodécanèse dès le mois de mai 1923. Non contents d'avoir édifié dans leur style d'architecture propre un théâtre, un casino, un marché, une banque et d’autres bâtiments administratifs, ils ont aussi rénové - de façon parfois un peu trop "léchée"- plusieurs constructions médiévales bombardées par les Turcs qui, durant près de cinq cents ans, avaient occupé le Dodécanèse.
Même si l'on peut de façon évidente blâmer l'idéologie fachiste qui présidait lors de la présence italienne, il n’en reste pas moins que, depuis leur arrivée, la ville se modernisa et gagna en hygiène : elle connut enfin l’eau courante, l’évacuation des eaux usées, l’électricité… Elle fut aussi équipée d’hôpitaux et débarrassée du palidisme qui y sévissait auparavant.

Illustrations :
Ci-dessus : l'emblématique entrée du vieux port de Mandraki, avec les statues du cerf et de la biche en bronze, là où, pense-t-on, s'élevait le fameux Colosse de Rhodes, l’une des Sept Merveilles du monde, une jambe placée sur chacun des piliers  (voir ci-dessous, ainsi que l'onglet "Littérature").
En haut : la Porte Notre-Dame, qui mène au port commercial de la ville.
À gauche : le fort Saint-Nicolas.
À droite : une rue de la vieille Rhodes, avec ses balcons en bois dont certains rappellent les moucharabieh turcs.

Iconographie du 
Colosse de Rhodes

Dans les ruelles de
la vieille ville

Les contrastes sont fortement présents : ruelles ou habitations restaurées versus venelles aux pavés disjoints surmontées de maisons abandonnées restées «dans leur jus» (un jus médiéval le plus souvent).
Mais, dans maints endroits, le sol est pavé de "langues-de-chat", ces galets blancs, gris ou noirs posés sur la tranche et disposés en mosaïques.

Le Palais des Grands Maîtres (ou Palais des Chevaliers)

Construite sur l’acropole où se trouvait un temple dédié à Hélios, cette forteresse bizantine imposante (Ve s.) fut agrandie par les chevaliers de l’Ordre de St-Jean dès le XIVe siècle. 
Assiégée par les Mammelouks, elle subit ensuite différents dommages, dont un séisme et l’explosion d’une poudrière turque au XIXe siècle. 
Les Italiens la restaurèrent  avec plus ou moins de fidélité, y apportant toutefois quelques traces de leur idéologie fasciste. Le Palais des Grands Maîtres abrite aujourd’hui le Musée byzantin.

La rue des Chevaliers

La rue des Chevaliers (Odos Ípoton, de ιππος, cheval) demeure encore la principale artère de la cité médiévale (200m x 6m) ; c’est cette rue, nommée alors «Grand-rue du Chasteau», qu’empruntaient les Chevaliers se rendant au Palais des Grands Maîtres, le même tracé que celui de la voie antique, dont on a retrouvé maints vestiges, qu’empruntaient autrefois les Grecs de la Grèce antique pour se rendre à l’Acropole.

Les « Langues »

La rue des Chevaliers est bordée « d’auberges » (résidences-palais) des différentes nationalités de Chevaliers. 
Des Sept Nations ou Langues (Auvergne, Provence, France, Aragon, Allemagne, Angleterre, Italie) qui composaient l’Ordre des Chevaliers de Saint-Jean au XIIe siècle, il ne subsiste que quatre auberges, celles d’Italie, de France, de Provence et d’Espagne. 
L’auberge de la langue d’Auvergne est située à l’écart de la rue des Chevaliers. 
Chacune des auberges est ornée d’un écusson représentant sa nation.

Mère et son enfant

Jeune  mendiante et son enfant, tendant la main sous l’œil indifférent des touristes

Mosquée de Souleymane

Au sommet d’une des rues les plus passantes (Soukratous), la mosquée de Souleymane, proche de la Bibliothèque misilmane,

L'Aphrodite accroupie

Statue vedette du Musée archéologique (sis dans l’ancien Hôpital des Chevaliers), cette petite « Aphrodite accroupie » est représentée en train de relever gracieusement les mèches de ses cheveux ondulés, après le bain, dévoilant ainsi entièrement sa nudité. 
La plupart des représentations de baigneuses nous les montrent farouches, se cachant les seins avec les mains. 
Ce qui m’a frappée ici est la finesse du travail de la chevelure, où chaque mèche se détache avec grâce et précision, bien plus que la prétendue « impudeur » d’Aphrodite, ainsi commentée par les archéologues qui l’ont découverte : comment se serait-elle cachée, ses mains étant tout occupées à essorer ses cheveux ?

L’architecture italienne à Rhodes

Bâtiment de la Banque de Grèce
Cour de la caserne ds pompiers
Ancienne villa de maître 

Dune au mouillage près du port historique de Mandraki

L'ancien port de Mandraki est rempli de bateaux d’excursion ou de bateaux-boutiques. Il ne réserve désormais plus aucune place aux plaisanciers tels que nous. Plusieurs ports en Grèce s’appellent « Mandraki » : le nom signifiait « parc à moutons »… : laissons-les donc bêler en chœur dans leur enclos  ! 
Nous sommes donc ancrés juste à l’extérieur, à l’est de ce port, au-delà des remparts, en bordure du port de commerce sur lequel débouche la Porte de Notre-Dame. Toute la journée sillonnent autour de nous de faux bateaux de pirates, des sous-marins factices ou des bateaux à fond de verre chargés de touristes. Au-delà, les navettes et ferries nous secouent peu ou prou de leurs remous, suivant les égards variables que leurs capitaines accordent aux voiliers au mouillage.
Dès le lundi matin au lever du soleil s’offrent à nos yeux (et nos oreilles) le bal des gigantesques bateaux de croisière escortés par les petits bateaux-pilotes qui les aident à accoster.
Comme nous partageons le même plan d'eau et que nous sommes très proches, ces manœuvres sont très impressionnantes : nous sommes si près que nous entendons même les annonces faites par haut-parleur dans toutes les langues. 
Pour les passagers commence une journée de visite de Rhodes au pas de charge : quelques photos et achats, et hop, le soir, tous les navires sont repartis avec leur chargement...

13. La remontée vers le nord

Plus que dix jours nous séparent de la sortie de l’eau du voilier suivie de notre retour à la maison. Nous ne nous sommes jamais trouvés aussi à l'est ... et le vent souffle du nord-ouest... La perspective de 90 milles nautiques au près ne nous enchante guère...

Une première étape nous conduit à l'est de l'île de Symi : 20 milles au génois appuyé au moteur, tranquilles. Finalement, le trajet a été agréable.
La baie de Pedi où nous mouillons à 13h30 est surnommée "baie-Téflon", habituée qu'elle est de voir déraper les bateaux... Suivant différents conseils, nous mouillons l'ancre avec 50m de chaîne juste en face de la taverna. On peut presque distinguer ce que les gens ont dans leur assiette... 
Dans l'après-midi, beaucoup de bateaux cherchent à s'ancrer autour de nous, pas toujours avec de la réussite. La nuit est calmissime (pas de vent ni de houle !)

Port de Palón, île de Nisyros
Nous poursuivons notre remontée dare-dare. Il n'y a plus de vent : 36 milles au moteur. 
La satisfaction du jour : avec notre nouveau guindeau, nous avons levé l'ancre en 6 minutes, toutes opérations comprises (ôter la boule de mouillage et la main de fer, remonter la chaîne et "laver" l'ancre si elle est boueuse).
Nous venons pour la troisième fois dans ce petit port : l'entrée est de plus en plus ensablée, il y a moins de trois mètres de profondeur.
Skye est ravie d'être à quai et abuse de son indépendance...
Vers Pserimos sous voiles
Des conditions optimales pour parcourir 32 milles vers la baie de Vathi sur l'île de Pserimos (entre Kos et Kalymnos) : génois, grand-voile et trinquette, tout y passe avec un vent constant à 20 noeuds. 
La nuit reste venteuse, mais sans houle.
Ultime mouillage à Kalymnos
Notre dernier mouillage s'effectuera dans la baie de Palionisos, dotée de bouées (nord-est de l'île de Kalymnos).
Les conditions sont moins agréables que la veille : finalement, nous tirons des bords carrés, si bien que nous nous décidons à nous aider du moteur.
À la taverna Kalidonis que nous connaissons bien depuis l'année dernière, nous sommes rejoints par nos amis Pierre et Marie-Claude dont nous prenons congé : le lendemain, nous serons à quai au port de Lakki sur Leros.

Nous musardons un peu avant de rentrer au port...
Sur la route, nous nous arrêtons à Xirocampos (sud de Leros) pour faire connaissance des skippers du voilier «L’Étoile Filante», des Neuchâtelois que nous suivons depuis longtemps sur le groupe Facebook « Plaisanciers francophones en Grèce ». 
Ils se sont mis à l'abri dans cette baie en prévision du coup de vent du week-end (meltem). 
C'est l'occasion d'un long apéritif à bord du Hunter 40.5 des sympathiques Daniel et Stella qui ont plein d'expériences à nous raconter : me revient en mémoire qu'ils ont également fait l'objet d'un article dans "Voiles et Voiliers". Rien que ça !
À noter qu'ils publient aussi des instantanés de leur vie à bord sur la chaîne YouTube "Les Aventures de l'Étoile Filante".

14. Clap de fin

Nous sommes au port de Lakki durant le coup de vent du week-end : après avoir été désarmé (génois et trinquette), Dune est sorti de l'eau lundi 30 juin.
Lundi 30 juin
Mise à sec
Divers nettoyages, notamment de notre annexe « Oracle » que nous ramenons au bord du Léman.

Bilan de notre navigation du printemps : un peu plus de 400 milles nautiques, exclusivement dans le Dodécanèse.
Voir l’animation ci-dessous.
Mardi 1er et mercredi 2 juillet
Trajet nocturne Leros-Le Pirée avec le "Blue Star Ferries II"
Nous poursuivons en voiture jusqu’à Patras : vers midi, arrêt dans un restaurant de poissons proche du pont de Rio à Patras.
Mercredi 2 et jeudi 3 juillet
Nouveau trajet nocturne Patras-Bari avec le Superfast II
Le déchargement dure longtemps : nous ne prenons la route que vers 11 heures.
Par chance, la circulation est fluide : les bouchons se trouvent plutôt dans le sens nord-sud.
Du jeudi 3 au vendredi 4 à L''Aquila
Nuitée à l'Hôtel*** La Vallée dell'Aquila
Sous l’orage qui éclate, nous traversons horizontalement la péninsule pour passer la nuit au frais dans les montagnes des Abruzzes. Fatigués, nous ne quittons pas l'hôtel nanti d'un excellent restaurant où nous dégustons une "tagliata di manzo", très bien placée dans notre hit-parade personnel de ce plat !
Vendredi 4 juillet très tard le soir
Arrivée à Port-Ripaille après environ 1'600 kilomètres… terrestres
La nature a repris ses droits autour de la maison (un castor est même venu se nicher près de la haie !) : après une nuit réparatrice, bercés par le clapotis des vagues du lac, nous attaquons les rangements, le débroussaillage et les lessives !
Et le blog dont les photos peinaient tant à se charger : avec la fibre optique, quelle vitesse !
Recherche